GOURHAND Pierre-Marie (1883-1915)         Retour Guerre 14-18

Fiche matricule 2052

Mort pour la france

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Soldat àu 70e RI

Secteur d'Arras (28 septembre 1914 au 30 juillet 1915)
Le 28 septembre, le 70 R.I. quitte la Ve armée, et embarque pour la région du Nord.
D'abord rattaché à la Ve armée (de Castelnau), puis à la Xe (de Maud'huy), il aura la gloire de défendre et de sauver Arras. La bataille s'engage le 30 septembre ; les 2e et 3e bataillons sont envoyés en camions automobiles pour protéger le débarquement des troupes.
Le 1er bataillon et le 41e d'infanterie combattent du 1er au 6 octobre avec la 20e D.I. dans Neuville -Vitasse, Mercatel, Agny. Les autres bataillons (2e et 3e) rattachés à la 44e D.I. luttent à Monchy-le-Preux, à Feuchy, à Baurains, au Tilloy, au cimetière Saint-Sauveur. Les Allemands sont de beaucoup supérieurs en nombre, pénètrent dans Arras dont ils sont vigoureusement repoussés. En face de nous, l'ennemi ne peut avancer. C'est vers le nord qu'il cherchera à passer. Le 2e bataillon est, tantôt avec les Anglais à Vermelles et Oivenchy, tantôt avec les corps voisins au nord de Notre-Dame-de-Lorette. La vie dans les tranchées commence, avec toutes les difficultés que procurent les intempéries. Le secteur (Rivière, Berle-aux-Bois) est relativement calme jusqu'au 24 février 1915 ; les pertes par le feu sont légères, seule la maladie fait sentir ses effets.
La fin de l'hiver et le printemps sont plus agités (lignes de Roclincourt où nous faisons connaissance avec les minenwerfer), c'est la période d'endurance, coupée seulement par quelques moments de répit, c'est la période où il faut oublier les charges épiques pour comprendre ce mot plus simple " tenir ".
Puis c'est le 9 mai, le jour où l'on va reprendre l'offensive escomptée depuis des mois avec impatience et confiance, jour où l'on va quitter les tranchées pour chasser le Boche loin, très loin peut-être. Mais ce beau courage se heurte aussitôt aux fils de fer ennemis ; ceux-ci n'arrétent pas l'ardeur de nos hommes (I), ailleurs pourtant, les mitrailleuses fauchent et les meilleurs chefs et leurs meilleurs hommes. On saura désormais qu' "on ne lutte pas avec du courage contre des fils de fer ". Et c'est la sévère leçon qui ressortira de cette journée. Mais si le succès n'a pas couronné une attaque si ardemment menée, du moins l'audace des assaillants, leur superbe mépris de la mort sont-ils assez éclatants pour être proclamés dans les citations élogieuses du 3e bataillon et de la 2e compagnie (voir annexe).
(Extraits de Historique du 70ème RI (Anonyme, Imp. Oberthur, 1920) numérisé par Jacques Boudet.)

L’offensive En Artois   En Mai Et Juin 1915

Le 9 au matin, les troupes d'attaque se trouvent en place à 4h30. Le jour s'est levé radieux; déjà, la veille, le soleil et le vent ont asséché la boue qui rendait la circulation difficile dans les boyaux.
A 6 heures, la préparation d'artillerie commence et acquiert toute son intensité. Les tirs paraissent parfaitement réglés; les coups tombent en plein sur les ouvrages allemands, dont les défenses accessoires sont bouleversées.
A 10 heures, l'artillerie allonge son tir, l'attaque d'infanterie se déclenche.
La journée du 9 mai 1915 est marquée par des résultats très inégaux sur l'ensemble du front; en certains points, nos troupes remportent un succès très brillant, inespéré même.
Tandis que le 21e Corps progresse au nord vers Notre-Dame de Lorette et vers Souchez, le 33e Corps avance de quatre kilomètres en moins de deux heures, et atteint la crête entre Souchez et la cote 140. A sa droite, le 20e Corps enlève La Targette, et conquiert une partie de Neuville Saint-Vaast. Mais, plus au sud, les 15e et 17e Corps, arrêtés presque au début par des mitrailleuses restées intactes, n'obtiennent que des résultats insignifiants. 
Le 33e Corps, ayant joué le premier rôle dans cette journée du 9 mai, nous retracerons ses opérations avec quelques détails. Des trois divisions qui le composent, la division marocaine et la 77e division d'infanterie opèrent en plaine, la 70e se déploie en face de Carency et d'Ablain Saint Nazaire. L'ennemi a transformé en véritables forteresses ces deux localités, assises au fond d'un couloir dominé au sud par la croupe 124, au nord par l'éperon de Notre Dame de Lorette.
 
L'ordre d'attaque réglait ainsi les missions des éléments du Corps d'Armée
---- La division marocaine, moins deux régiments réservés à la disposition du commandant du C. A., attaquera en direction des hauteurs 140, qu'elle occupera solidement face au nord-est;
----La 77e D. I., attaquera en direction générale Bois du Cabaret-Rouge , Givenchy; elle laissera des garnisons au Cabaret-Rouge, face à Souchez, et sur la hauteur 119, face au bois de Givenchy ;
---- La 70e D. I., maintenant l'inviolabilité de son front entre Ablain Saint Nazaire et Carency, attaquera ce dernier point par le sud; Carency enlevé, elle prendra l'offensive en direction de Souchez, en liant son mouvement à ceux du 21e C. A., et de la 77e D. I.

Traversant d'un seul élan toutes les lignes de tranchées ennemies, l'attaque de la division marocaine, menée par le 1e régiment étranger et le 7e tirailleurs, se précipite vers la hauteur 140, que les premiers éléments atteignent vers 11 heures, et l'ennemi ayant complètement disparu du front d'attaque, des groupes pénètrent dans Givenchy, d'autres poussent jusqu'à la lisière du Petit Vimy. Mais l'extraordinaire rapidité de cette avance, a absorbé les réserves tactiques.
Dès 10 h45, le commandant de la division fait appel aux éléments de la réserve du Corps d'Armée (8e zouaves et 4e tirailleurs); mais ces deux régiments sont restés à leurs emplacements initiaux, Mont-Saint-Eloi et Acq, à une distance de huit kilomètres des objectifs ennemis atteints avec une rapidité imprévue.
 
9 mai 11h30, le général commandant le Corps d'Armée met le 8e zouaves à la disposition de la division marocaine : deux groupes reçoivent en même temps, l'ordre de se porter vers les Ouvrages Blancs; mais les bataillons de zouaves ne peuvent s'engager que successivement à partir de 15 heures.
Entre temps, l'ennemi s'est ressaisi, et a amené aux abords de La Folie d'une part, et vers Souchez d'autre part, des mitrailleuses et de l'artillerie qui prennent d'enfilade, sous un feu violent, notre ligne de combat. Celle-ci a les plus grandes difficultés à se maintenir, d'autant plus que notre artillerie, dont les munitions vont être épuisées, ne peut l'appuyer qu'imparfaitement.
  
De 14 heures à 15h30, une série d'engagements très confus et compartimentés, amène un mouvement général de repli jusqu'au chemin creux qui va de la lisière sud-est de Souchez à Neuville Saint-Vaast. Le 4e tirailleurs, dernière réserve du Corps d'Armée, ne s'engage, de son côté, que vers 18 heures ; mais, en fin d'après-midi, notre ligne de combat renforcée se maintient solidement.
 
Pendant que se déroulent ces événements, l'attaque de la 77e division d'infanterie, menée par une brigade alpine et un groupe de chasseurs, a franchi, sans arrêt, deux lignes de tranchées allemandes.
Le 97e régiment d'infanterie pénètre dans le cimetière de Souchez, avec quelques groupes, pendant que des éléments avancés du 159e atteignent Givenchy.
Dès 10 h10, le général de division, se rendant compte de la réussite complète de l'attaque, donne l'ordre d'avancer l'artillerie. A 11 heures, une première batterie (22e régiment d’artillerie)vient s'établir au grand trot à l'ouest du bois de Berthonval. Mais les éléments du 159e régiment d'infanterie qui ont pénétré dans Givenchy, violemment contre-attaqués par des troupes fraîches, se replient su, les crêtes 119, 140, puis vers le Cabaret-Rouge, pendant que le 97e régiment d'infanterie, soumis lui aussi à un violent bombardement, se retire vers la route Souchez-Carency, qu'il occupe en se reliant à la 70e division.
Celle-ci, de son côté, n'est pas restée inactive. Elle parvient, en peu de temps, à pénétrer dans l'îlot sud de Carency à la suite d'un combat acharné, puis à s'emparer du cimetière : sa droite, enfin, pousse vers la grande route Carency Souchez : l'investissement du village de Carency se trouve ainsi amorcé par le sud et par l'est.
 
La perte a été réelle un instant; mais les troupes d'attaque, épuisées et disloquées par une marche rapide, se trouvent hors d'état de poursuivre ; l'ennemi, de son côté, a eu le temps d'amener hâtivement des réserves : L’étau, un instant desserré, s'est refermé.
Cependant, à la droite du 33e Corps, une division du 20e menait sur La Targette une brillante attaque : à 11h15, la totalité de cet îlot tombe entre ses mains avec 350 prisonniers et plusieurs pièces de 77; elle continue sa marche sur Neuville Saint Vaast, importante localité puissamment fortifiée, d'où l'ennemi tirait sur les assaillants de chaque maison crénelée, de chaque cave organisée en tranchée couverte. 
 
9 mai 15h00, nous attaquions l'église; et, à la suite d'un combat de rues très confus et d'une extrême violence, la moitié du village nous restait; mais, en fin d'après-midi, nous étions arrêtés devant le cimetière. La droite du 20e Corps était tenue en échec par l'ouvrage du Labyrinthe  (26e RI), car le 17e Corps, à sa droite, n'avait pas gagné de terrain. En effet, sur le front abordé par les 17e et 10e Corps, l'ennemi avait multiplié les abris cavernes bétonnés, les blockhaus pour mitrailleuses et les réseaux de fils de fer dissimulés. Ni les tirs de démolition de l'artillerie lourde, ni l'artillerie de campagne n'avaient pu détruire toutes les défenses accessoires. De plus, la parallèle de départ se trouvait à 200 mètres des tranchées ennemies, distance trop considérable : aussi l'attaque sortit à peine de nos lignes et fut promptement arrêtée.